Volonté de rattraper le retard compétitif avec les géants chinois et américains, impulsion franche vers la santé de demain : depuis le rapport Villani, plus personne n’ignore que l’innovation en santé publique sera marquée du sceau de l’Intelligence Artificielle (IA) et de l’utilisation de grandes bases de données. Porté par cette ambition transformatrice, le Health Data Hub (HDH) ouvre des perspectives inédites. Il propose aux opérateurs publics et privés d’accéder à un patrimoine unique au monde : celui des données du Système National des Données de Santé, regroupant notamment les données de l’Assurance Maladie (base SNIIRAM), des hôpitaux (base PMSI) ou encore les causes médicales de décès (base du CépiDC de l’Inserm) – patrimoine qu’ils pourront enrichir à leur tour, en mettant à disposition des données tierces. Leur analyse par l’IA permettra de tirer parti du modèle social collectif à la française, pour une médecine de plus en plus personnalisée, une amélioration des dispositifs de prévention, ou encore une meilleure orientation de la décision publique en santé.
Non content de s’adresser à des institutions publiques, le HDH s’est également ouvert aux industriels et aux startups pour son premier appel à projet. La condition : une logique de partenariat public privé démonétisé, dans le partage et la mutualisation des connaissances. Attachée à l’idée d’“entreprise privée d’intérêt général”, Epiconcept contribue depuis 1996 à l’amélioration des programmes de santé publique : elle propose des produits IT, du conseil et du développement de projets en épidémiologie, e-santé et, plus récemment, en Data Science. Si la participation à cet appel s’inscrit dans notre ADN, notre sélection constitue, pour nous, la promesse d’explorations passionnantes. L’IA n’étant par définition, et pour paraphraser Alain Livartowski récemment dans les colonnes du Monde, pas humaine, ses 1 outils ne remplaceront jamais la décision du médecin. Une fois posé ce postulat, le champ des possibles reste ouvert : quelle place occupera-t-elle dans la médecine de demain ? Quand la faire intervenir dans la pratique des professionnels de santé et dans le circuit de soins pour maximiser son impact ?
Une solution pour gérer le dépistage
Pour apporter des éléments de réponse, nous disposons d’un territoire idéal : e-SIS, notre solution de gestion du dépistage organisé national du cancer – notamment du sein. En France, ce dépistage organisé comprend une double lecture des mammographies : – Une lecture 1, réalisée dans un centre de radiologie agréé ; – Une lecture 2 pour les cas jugés négatifs en lecture 1, assurée par un radiologue expert indépendant au sein des centres de dépistage. Cette mesure, inscrite au cahier des charges national, est un gage de fiabilité : actuellement 6% des cancers détectés en seconde lecture n’avaient donc pas été repérés en L1.
Dans le sillage de la numérisation du système de santé, E-SIS permet une dématérialisation complète des flux et un transfert des mammographies numériques du cabinet de radiologie vers le centre de dépistage. Déployée dans la région Occitanie, cette innovation devrait se généraliser à l’ensemble du territoire national.
L’imagerie médicale : un des axes les plus prometteurs de l’IA en santé
A travers e-SIS, notre projet Deep.piste pourra donc explorer l’un des axes de développement les plus prometteurs pour l’IA en santé : l’imagerie médicale. Deep.piste s’appuiera sur la base de données e-SIS de dépistage du cancer du sein des départements du Gard et de la Lozère : plus de 250 000 mammographies numériques annotées, enrichies par les données médico-administratives. En appliquant rétrospectivement des algorithmes d’analyse d’image et en croisant ces données avec celles du SNDS (qui pourraient notamment fournir des informations sur l’identification de cancers d’intervalle), il visera à évaluer l’impact de l’IA sur l’amélioration du dispositif de dépistage. Il reste à savoir à quelle étape cette contribution sera maximale. Des hypothèses se dessinent ; un exemple : l’IA pourrait servir de filtre entre une lecture 1 jugée négative par le radiologue et la seconde lecture, en analysant les mammographies pour ne donner à relire que les cas qu’elle jugerait suspects. Des économies et un gain de temps précieux, tout particulièrement dans les déserts médicaux – à condition, bien entendu, d’accompagner le changement, de rendre possible l’usage de cette innovation pour tous les professionnels de santé, sur tout le territoire.
Exploiter et mettre à disposition les données de santé publique
Côté puissance publique, le projet permettra une amélioration des programmes de dépistage, plus d’efficience et un meilleur usage de la compétence. En tant qu’entrepreneurs, nous l’abordons bien sûr dans une logique de développement économique, l’algorithme éprouvé pouvant, à terme, s’intégrer à e-SIS. C’est aussi pour nous une première occasion de mettre à disposition et d’exploiter des données de santé publique au sein du HDH : maîtrise des démarches administratives et industrielles pour l’accès aux données, compréhension de leur valorisation : autant de compétences clés à proposer à nos clients. Enfin, d’ores et déjà, le projet a ouvert des perspectives de collaboration inédites en France et à l’international, avec des entreprises ou institutions d’envergure.
Fidèlement attachés à l’open source, nous mettrons l’algorithme d’analyse de mammographies, développé en licence ouverte, et la méthodologie qui lui est attachée, à disposition de la communauté scientifique.
En 2011, dans un discours qui annonçait les grands thèmes de son ouvrage Petite Poucette, le regretté Michel Serres déplorait un retard des institutions, peu adaptées à la nouvelle donne technologique et à la mutualisation des savoirs : “Nous vivons une période comparable à l’aurore de la paideia, après que les Grecs apprirent à écrire et démontrer ; comparable à la Renaissance qui vit naître l’impression et le règne du livre apparaître (…). Sans doute convient-il d’inventer d’inimaginables nouveautés, hors les cadres désuets qui formatent encore nos conduites et nos projets.”
En faisant converger données publiques et privées à des fins d’intérêt général, le Health Data Hub dessinerait -il l’un de ces nouveaux chemins ?
1 Alain Livartowski est oncologue et directeur des Data de l’Institut Curie
2 Le taux de cancers détectés dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein est quant à lui de 7,4 pour mille.
Source : http://invs.santepubliquefrance.fr/Publications-et-outils/Rapports-et-syntheses/Maladies-chro niques-et-traumatismes/2019/Evaluation-du-programme-de-depistage-organise-du-cancer-d u-sein