Le laboratoire pharmaceutique Bayer a rejoint le Healthcare Data Institute en 2021. Pour mieux connaître cet acteur de premier plan du secteur sanitaire, nous avons échangé avec Mouna Champain, Directrice Médicale France (Head of Medical Affairs).
Healthcare Data Institute : Quels sont les objectifs de Bayer dans le domaine du numérique ?
Mouna Champain : Permettre l’accès précoce à l’innovation pour les patients, améliorer au quotidien leur prise en charge et l’efficience de leur traitement par les professionnels de santé, sont au cœur de la stratégie de Bayer pour faire face aux enjeux de la santé de demain.
Pour y parvenir, nous combinons les approches thérapeutiques et technologiques telles que l’analyse des données de santé au moyen de l’intelligence artificielle pour le développement de solutions digitales, afin d’offrir aux patients une prise en charge la plus qualitative possible et tendre vers une médecine personnalisée.
HDI : Bayer est avant tout un laboratoire qui innove d’un point de vue thérapeutique. Quels sont les domaines dans lesquels vous êtes le plus impliqués ?
MC : La stratégie R&D de Bayer repose sur son programme de recherche interne et externe via l’Open Innovation. Outre les médicaments du portefeuille de Bayer en développement sur les maladies cardiovasculaires, l’oncologie et la santé des femmes (programme multi-indication sur les antagonistes du récepteur P2X3*), Bayer développe sa recherche externe grâce à une nouvelle plateforme de thérapies génique et cellulaire, qui s’appuie sur le potentiel de deux biotechs acquises récemment : BlueRock Therapeutics et AskBio. Ces innovations de pointe permettront d’apporter aux patients des traitements révolutionnaires dont la vocation sera de guérir et plus seulement soigner.
Le portefeuille de développement de Bayer dans la thérapie génique et la thérapie cellulaire comprend des programmes de tout premier plan pour le traitement de la maladie de Pompe, de la maladie de Parkinson, de l’hémophilie A et de l’insuffisance cardiaque congestive.
HDI : Dans le domaine de l’innovation numérique, quels sont vos principaux axes de travail ?
MC : Au-delà de nos investissements dans le médicament, l’innovation s’appuie également sur le développement de solutions digitales qui permettront à la fois d’améliorer le parcours de soin du patient en le rendant plus autonome, et de faciliter sa prise en charge par les professionnels de santé. L’efficience de cette stratégie digitale dépend par ailleurs de la possibilité d’accéder à des données de santé.
Coté intelligence artificielle et santé, nous misons sur l’utilisation de thérapies digitales innovantes. A cet effet, nous nous appuyons sur l’expertise de startups pour développer des applications digitales et des thérapies digitales afin d’améliorer le parcours de soin du patient. Ces solutions permettent de rendre le patient acteur de sa prise en charge et proposent des solutions digitales personnalisées.
Bayer France travaille également au développement d’un dispositif numérique dédié à la prévention : l’étude clinique FACET évalue un système de dispositifs connectés (une application mobile ainsi qu’une paire de semelles connectées) visant à prédire ou détecter précocement la survenue du syndrome main-pied chez des patients atteints d’un cancer colorectal métastatique et traités par un inhibiteur de tyrosine kinase. Cet événement indésirable fréquent lors des traitements par ces inhibiteurs peut affecter la qualité de vie du patient, entraîner une non-adhésion au traitement anticancéreux, nécessiter une réduction de la dose voire une interruption de traitement et donc entrainer une perte de chance pour le patient.
L’objectif de l’étude FACET est d’obtenir un algorithme sur la base des données générées, qui devrait prédire ou identifier précocement le syndrome main-pied, afin de permettre aux équipes soignantes de prendre des mesures pour le ralentir ou le stopper.
HDI : Vous avez récemment conclu un accord de partenariat avec la société Informed Data Systems, Inc. (One Drop) pour sa solution « Integrated Care ». Comment cette alliance s’inscrit dans votre stratégie numérique ?
MC : Cette plateforme vise à rendre le patient plus autonome : les patients suivent et gèrent leur santé à chaque instant de leur vie, en transposant le concept de soins dispensés au cabinet médical dans la vie de tous les jours. À l’aide de l’intelligence artificielle, du machine learning et d’importants volumes de données, ces solutions permettent aux patients de prendre le contrôle de leur santé grâce à des informations prédictives, proactives et exploitables. Avec « Integrated Care », les soins évolueront du traitement des maladies (chroniques) vers la gestion de la santé de chaque individu et le maintien en bonne santé.
Grâce à One Drop, Bayer et Informed Data Systems étendront l’usage de cette plateforme actuellement dédiée aux patients diabétiques dans les domaines des maladies cardio-rénales, de la santé des femmes et de l’oncologie.
HDI : En tant que membre du Healthcare Data Institute, les données de santé sont également au cœur de votre stratégie numérique. Quels sont les principaux usages identifiés par Bayer ?
MC : Notre approche prévoit aussi l’utilisation innovante des données de santé : optimiser l’utilisation des données cliniques (étude de vraie vie, études de bases de données) et des données de la recherche clinique, afin de déterminer le bon traitement pour le bon patient au bon moment, plus efficacement et plus rapidement qu’aujourd’hui.
Ainsi, en 2020 un accord-cadre de partenariat entre Bayer et l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris a été signé, visant à renforcer le partage d’expertises en matière de recherche clinique et d’intelligence artificielle (IA). Grace à l’entrepôt de données de santé (EDS) de l’APHP qui permet la mise en place de projets utilisant l’IA, ce partenariat permet de développer de nouvelles méthodes de recherche et des algorithmes intelligents qui offrent une meilleure compréhension et prise en charge des maladies.
D’autres approches d’IA en santé sont mises en place pour répondre à des enjeux médico-économiques. Des projets innovants utilisent des données issues de bases privées couplées à notre système Français d’envergure, le Health Data Hub (HDH). Ce type de chainage (cohorte privée/ HDH) permet à la fois d’optimiser la compréhension du parcours patient et d’accroitre les potentielles avancées scientifiques. L’objectif de tels projets est de cibler au mieux les patients qui bénéficieront de nouvelles alternatives thérapeutiques médicamenteuses et digitales. L’utilisation de données de qualité permet à ces projets d’IA en santé de mettre en place des algorithmes via des systèmes d’apprentissage de type machine learning.
HDI : Mettre en place une stratégie numérique centrée sur les données requiert un changement de culture interne pour intégrer ces nouveaux outils. Comment avez-vous abordé ce défi ?
MC : Ces stratégies pour mettre en place des approches innovantes supposent aussi une transformation de l’organisation interne du laboratoire : plutôt qu’une équipe dédiée, l’innovation se déploie dans toute l’organisation avec des interactions transversales entre plusieurs services.
Afin d’impulser et de coordonner le digital et l’innovation au sein de l’organisation Pharma France, une équipe de catalyseurs occupant des fonctions clés dans différents départements de l’entreprise apporte des expertises et des compétences complémentaires. Ces catalyseurs travaillent à l’acculturation et à la montée en compétence de tous les salariés sur l’innovation digitale. Ils développent des projets avec des parties prenantes du réseau externe en développement, et intègrent les nouvelles solutions dans une offre de santé globale.
*Le programme multi-indication sur les antagonistes du récepteur P2X3 répond à des maladies en lien avec une hypersensibilité neurogène douloureuse, telles que l’endométriose mais aussi la toux chronique réfractaire ou inexpliquée, la vessie hyperactive et la douleur neuropathique.