Une spécialité médicale clé face à de nouveaux défis
Les pathologistes, médecins spécialistes en anatomie et cytologie pathologiques (ACP), posent les diagnostics de maladies ou de lésions à partir de prélèvements tissulaires et cellulaires provenant de l’activité chirurgicale, obstétricale, médicale ou radiologique. Aux côtés de la biologie et de la radiologie, l’ACP est l’un des trois piliers de la médecine diagnostique. La variété de ses missions, englobant dépistage, diagnostic, pronostic, réponse au traitement, santé publique et recherche, fait du pathologiste un acteur transversal unique dans le système de santé, avec une présence continue dans le parcours de soin du patient, en particulier en cancérologie.
Dans son activité, le pathologiste a eu très tôt recours à l’outil informatique, longtemps limité aux systèmes de gestion de laboratoires et aux outils bureautiques facilitant l’exercice. Les développements rapides et continus des technologies du numérique sont venus changer radicalement notre façon de vivre et de travailler. Cette révolution a pris pied en ACP dans l’aide au diagnostic morphologique avec l’imagerie numérique, l’analyse d’images et les systèmes experts. Elle s’est immiscée dans notre management en générant des indicateurs qualité à partir de données élémentaires produites par nos laboratoires. Avec les méthodes de data mining, elle commence à impacter le regard que nous portons sur nos pratiques mais dans des secteurs encore restreints de l’activité. Ces progrès technologiques laissent présager l’émergence d’outils d’aide à la décision médicale orientée par les données (data-driven decision), améliorant les diagnostics et le fonctionnement des structures, concourant au renforcement des bonnes pratiques.
Penser un projet national de partage de données de santé au bénéfice de tous
Dans ce nouvel univers de la dématérialisation, des mots s’imposent tels que rapidité, fluidité, fiabilité, sécurité, confiance. La confiance est essentielle : confiance dans la fiabilité des outils numériques, confiance dans la préservation de l’information et de sa pérennité, dans la sécurité des données, confiance dans le respect du secret médical, confiance dans la qualité de l’exploitation des données que nous produisons et diffusons.
Il y a en effet un revers à la médaille. Des ressources insuffisantes dédiées à ces systèmes ou un excès de confiance dans la fiabilité des processus digitaux peuvent mener à des évènements indésirables pilotés par les données. Pour les prévenir, les hommes de l’art insistent sur le suivi de la qualité des données utilisées et des processus qui les analysent, ainsi que sur le bon sens et l’esprit critique pour les superviser. L’œil et l’expertise du pathologiste ont encore de beaux jours devant eux.
En mars 2016, les pathologistes français, d’exercice public et privé, ont décidé d’engager une réflexion nationale pour intégrer ces enjeux dans un environnement économique contraint. Cette réflexion a été engagée au sein de l’AFAQAP (Association française d’assurance qualité en anatomie et cytologie pathologiques) dont l’objectif premier est de permettre aux pathologistes d’évaluer régulièrement et d’améliorer la qualité de leurs pratiques dans les domaines du diagnostic, des techniques et de l’organisation des laboratoires. En parallèle, l’AFAQAP assure la production de référentiels de pratique et de documentation professionnelle, ainsi que le développement d’outils web de suivi des pratiques ACP. L’un deux, HER-France, a permis de collecter depuis 5 ans près de 165 000 dossiers portant sur les facteurs prédictifs du cancer du sein en France ce qui a donné lieu à la première analyse par data mining en ACP (publication internationale en cours).
Le projet national « Impulsion ACP » est né de la volonté de donner une cohérence d’ensemble aux actions de la spécialité dans ce domaine. Il s’agit d’un réseau numérique de santé organisé autour du partage de données ACP structurées, au service du soin, de la santé publique, de la recherche médicale et des pathologistes. Reposant sur le concept d’une base de données structurées nationale unique, il ouvre la voie aux exploitations de big data de santé, sous couvert des dispositions éthiques et juridiques ad hoc.
De la théorie à la pratique : expérimenter pour avancer
Reste à construire ce réseau dans un contexte professionnel, sociologique et politique, hétérogène en tout. L’expérience acquise par l’AFAQAP dans le domaine sensible de l’évaluation des pratiques médicales, la confiance qu’elle inspire au sein de la spécialité et auprès des organismes de santé, sa capacité à faire bouger les lignes sur des sujets sensibles, sont des atouts.
Une expérimentation pilote a débuté en janvier 2017, avec le soutien de l’INCa. Il s’agit du projet RADAR (réunir, pour améliorer le dépistage, les médecins ACP et les radiologues), première pièce du projet « Impulsion ACP ». L’objectif est de fédérer, grâce au numérique, les acteurs du diagnostic sur biopsies mammaires, à savoir radiologues et pathologistes, pour optimiser le dépistage du cancer du sein. Le projet aura à maîtriser notamment les questions d’interopérabilité, toujours aussi vivaces, et à faire évoluer des pratiques diverses et bien assises. « Impossible ! » pourrait-on dire. « Quand c’est impossible, c’est plus long » pourrait-on répondre.
Se fixer des objectifs réalistes, expliquer, convaincre, fédérer, partager, soutenir pour maintenir et améliorer la qualité en médecine au travers de la transformation digitale. Tel est le chemin choisi.
Le projet Impulsion ACP est réalisé sous l’égide du CNPath (Conseil National professionnel des Pathologistes) dont l’AFAQAP est membre avec :
- la Société Française de Pathologie (SFP), la Société Française de Cytologie Clinique (SFCC), l’Académie Internationale de Pathologie (AIP-Division Française), ayant mission de formation continue des pathologistes et organisatrices des congrès nationaux de la spécialité,
- le Collège des Pathologistes (CoPath) responsable de l’enseignement universitaire de l’ACP,
- l’Association pour le Développement de l’Informatique en ACP (ADICAP), le Collège National des Pathologistes des Hôpitaux Généraux (CNPHG), le Groupement des Pathologistes Libéraux (GPL), orientés vers l’organisation de la profession,
- le Syndicat des Médecins Pathologistes Français (SMPF) en charge de la défense des droits et des intérêts professionnels des pathologistes.
Pour en savoir plus : secretariat@afaqap.org • www.afaqap.org • +33 (0)3 88 12 81 41
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Jean-Pierre Bellocq
Président de l’AFAQAP (Association française d’assurance qualité en anatomie et cytologie pathologiques) – www.afaqap.org
Professeur d’anatomie et cytologie pathologiques aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg