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Covid-19, données de santé et technologies numériques : Quelles perspectives pour une industrie pharmaceutique comme Amgen ?

octobre 10, 2020 | Jean-Philippe Alosi & Thibault de Chalus - Amgen

La crise sanitaire a montré le potentiel des technologies numériques pour la santé (télémédecine, outils connectés, intelligence artificielle, robotisation…) et en même temps la difficulté à produire les bonnes données et à les utiliser dans des délais courts afin d’éclairer les décisions des Autorités, nationales ou régionales. Les décisions récentes des pouvoirs publics, avec Ma Santé 2022 et la création du Health Data Hub notamment, sont toutefois autant de promesses à moyen terme pour l’optimisation de l’utilisation des données de santé et la capacité à fonder les décisions de Santé Publique sur des données de vie réelle récentes, spécifiques à la population française.

Pour l’industrie pharmaceutique et notamment Amgen, il est important de pouvoir participer pleinement à cette stratégie nationale d’exploitation des données de santé, ne serait-ce que pour pouvoir intégrer l’efficacité en vie réelle des médicaments dans la gestion de leur cycle de vie, en amont comme après leur mise sur le marché. C’est également un moyen d’attirer en France les investissements d’acteurs (maisons-mères de grands groupes internationaux qui ont une filiale dans l’hexagone) qui souhaitent mieux connaître la prise en charge d’une maladie, le parcours de soins ou le besoin médical non couvert via l’interrogation de bases de données.

La capacité à mettre en place une médecine de précision, prédictive et préventive nécessite cependant d’associer les compétences en recherche médicale fondamentale et clinique avec les mathématiques appliquées et les technologies numériques. Cette approche implique la mise en place de collaborations avec les meilleurs acteurs, qu’ils soient publics ou privés : Amgen a ainsi fait un partenariat avec la startup française Owkin afin d’utiliser le machine learning pour prédire le risque de survenue d’un second évènement cardiovasculaire (infarctus, accident vasculaire cérébral) chez des patients à risque[1].

L’utilisation des données via les nouvelles technologies ne bénéficie pas uniquement la recherche clinique ou la Santé Publique, l’organisation des soins courants et la médecine individuelle peuvent également être améliorés grâce à ces nouvelles approches. L’exemple récent du remboursement du logiciel Moovcare[2] illustre la capacité du système de santé à intégrer des solutions qui remettent le patient au centre du parcours de soins et de la décision médicale, en s’appuyant notamment sur les questionnaires auto-administrés (PROs : patient reported outcomes). Amgen souhaite également accompagner ce changement : dans le cadre du programme catalyseur d’innovation « Amgen Innovations »[3], lancé à l’automne dernier, un premier partenariat avec une association de patients, des hématologues et la société Observia a abouti à la mise au point d’une application digitale, ROMY, qui facilite les liens entre patients, aidants et soignants dans le myélome multiple[4]. Nous collaborons également depuis plus de 4 ans avec le dispositif normand SCAD (Suivi Clinique A Domicile), développé au CHU de Caen, afin d’évaluer de manière rétrospective l’impact de la télésurveillance sur le parcours de soins des patients souffrant d’insuffisance cardiaque, grâce à une tablette connectée utilisant un algorithme validé détectant les alertes cliniques, en se fondant sur les réponses du patient[5].

La récente crise sanitaire a mis en lumière la capacité de l’écosystème de santé français à trouver des solutions innovantes dans des délais brefs. Réunis par l’importance de l’enjeu et particulièrement l’urgence à continuer à accompagner les patients, les acteurs privés, grands groupes comme startups se sont associés aux acteurs publics. La Coalition Innovation Santé[6] , dont Amgen est membre, a ainsi évalué plus de 400 projets et apporté son soutien, notamment à l’application MyCharlotte[7], 1ère application de soins de support à distance qui améliore le quotidien des patients atteints de cancer.

Alors, sommes-nous entrés dans une nouvelle ère d’innovation collective en santé ? autour de quelle logique : coopération[8] ou collaboration[9]?

La plupart des innovations collectives qui ont vu le jour dans le cadre du coronavirus correspondent à des actions ponctuelles, limitées dans le temps et l’espace où chaque acteur apporte son expertise. Ces innovations collectives ont créé de la valeur pour les patients et professionnels de santé. Se sont ainsi déployées deux types d’actions :

  • des coopérations : “Organisation collective du travail dans laquelle l’objectif visé est fragmenté en sous-tâches”, au niveau national (parfois local) répondant aux besoins précis exprimés par l’État (fourniture de respirateurs, masques, gel…) ;
  • des collaborations “Travail collectif où les tâches et les buts sont communs”, plus fragmentées et le plus souvent amorcées au niveau local, pour tendre vers un objectif commun, comme le télésuivi des malades.

Si un enseignement doit être tiré de cette crise pour l’avenir de l’innovation en France, c’est qu’il est nécessaire de combiner collaboration et coopération, dans un modèle économique pérenne. Au-delà de la facilitation des échanges entre le public et le privé, via la simplification des processus de décision et l’allègement des contraintes légales et réglementaires, il est nécessaire de définir un cadre général correspondant aux priorités de l’Etat et d’identifier des mécanismes de financement permettant de rémunérer chaque acteur de l’innovation collective (startup, académiques, grands groupes… ). Cela passe notamment par des méthodes d’évaluation adaptées au digital et une autonomie pour les Autorités de santé locales.

Cela implique également un usage plus large et mieux reconnu de l’expérimentation en vie réelle, ce qui constitue un grand changement dans le monde de la santé. En effet, schématiquement, quand l’approche médicale est fondée sur la démonstration de la preuve avant tout usage « large », l’approche numérique, elle, s’appuie davantage sur la science de l’expérience, les changements incrémentaux et la démonstration de la preuve par l’usage en vraie vie. Ces deux modèles ne sont évidemment pas aussi opposés mais force est de constater qu’ils obéissent à des référentiels différents ; intégrer le monde numérique au monde médical nécessite donc des adaptations et la définition de référentiels.

Enfin, une politique volontariste de l’Etat est nécessaire pour éviter ou contenir le foisonnement d’outils et de bases de données sans cohérence, en agissant notamment sur l’interopérabilité des systèmes, mais également accompagner et former les patients comme les professionnels de santé pour que la machine vienne bien augmenter les humains et non les remplacer.

On le voit, la période qui s’ouvre est porteuse de nombreuses opportunités qui nécessitent d’être accompagnés par tous les acteurs. Nous sommes heureux d’avoir rejoint le groupe de réflexion lancé par le HealthCare Data Institute, qui s’interroge sur l’utilisation des data dans le cadre de crises sanitaires et notamment l’intérêt des organisations collaboratives émergentes et le partage d’informations pour améliorer la qualité des politiques de santé publique.

 

Jean-Philippe Alosi & Thibault de Chalus

 

[1] https://www.amgen.fr/espace-media/actualites/2019/12/machine-learning/

[2] En juin 2020, la société Sivan a trouvé un accord avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) sur le remboursement du logiciel Moovcare poumon dans la télésurveillance médicale des rechutes et complications chez les patients atteints d’un cancer du poumon. https://www.ticpharma.com/story/1321/cancer-du-poumon-accord-au-ceps-sur-le-remboursement-de-l-outil-de-telesurveillance-moovcare.html

[3] https://www.amgeninnovations.fr/

[4] https://www.amgen.fr/espace-media/communiques-de-presse/2020/06/romy-une-application-qui-accompagne-les-patients-atteints-de-myelome-multiple/

[5] https://www.amgen.fr/espace-media/actualites/2019/06/la-telesurveillance-medicale-les-perspectives/

[6] La “Coalition Innovation Santé – Crise Sanitaire” a été créée sous l’impulsion de France Biotech, France Digitale, MedTech in France et l’entreprise biopharmaceutique AstraZeneca, avec les soutiens de l’AP-HP, Bpifrance, EIT Health. L’objectif principal de cette coalition est de permettre le développement et la mise en œuvre de solutions innovantes dans le domaine de la santé sur la base des besoins identifiés et remontés par les structures de soins, les professionnels de santé et les associations de patients. https://www.amgen.fr/fr-fr/espace-media/communiques-de-presse/2020/03/covid-19–amgen-rejoint-la-coalition-innovation-sante/

[7] Amgen, AstraZeneca, MSD, Pfizer, Servier et EIT Health se sont alliés au sein de la Coalition Innovation Santé pour soutenir « Bulle » : la 1ère application de soins de support à distance qui améliore le quotidien des patients atteints de cancer.

[8] Organisation collective du travail dans laquelle l’objectif (résultat attendu) est fragmentée en sous-tâches

[9] Travail collectif où les tâches et les buts sont communs